Y a-t-il un médecin dans l’avion ?

Y a-t-il un médecin dans l’avion ? –Y a-t-il un pilote dans ce cabinet médical?

J’ai la très chance d’avoir passé le PPL (Private Pilote Licence) il y a une dizaine d’années et d’avoir eu le privilège de faire quelques centaines d’heures de vol sur différents aéronefs.

Il y a souvent des points communs entre mon métier de toubib et le pilotage.

Sur ces très nombreux points communs, il y a notamment :

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1/ La check-list

Avec quelques heures de vol au compteur, je l’avoue, sur certains avions que je connais bien, je fais la check-list par cœur, et je ne prends plus le temps de lire le document. Mais au moindre doute, ou si fatigue, ou si conditions de vol compliquées, je relis parfois celle-ci peu avant l’approche finale, par prudence.

En médecine je crois que l’on a une attitude assez proche. La céphalée fébrile de l’enfant qui vomit, sans sa check-list, on vérifie certains paramètres dont la souplesse de la nuque. Il en est de même pour la grippe. Mais lorsque le toubib est fatigué par le nombre de consultations, ou « endormi » par la monotonie de l’épidémie, il ne doit pas hésiter à lire sa check list : n’est ce pas  une fausse grippe ? Une pyélonéphrite ? Une pneumopathie ?

2/ Le bar des pilotes.

Les « vieux » pilotes (entendre par « vieux » ceux qui ont traversé les années sans incidents graves) ont appris à ne pas écouter les conversations au comptoir du club. Il est facile de s’auto-congratuler, se convaincre que telle action est la meilleure, la plus appropriée car elle est narrée par un groupe ou une « grande gueule »… mais souvent ces échanges s’éloignent de la théorie, et insidieusement les critères de bases s’effacent, les vitesses de sécurité sont modifiées, les angles de virages augmentées, et surtout les dangers météorologiques sont minimisés : « Mais oui tu peux y aller ! » « Ce n’est qu’un petit orage », « Mais si ça va passer, la ‘visi’ doit être bonne là haut »…

En médecine sommes nous capables d’auto-critique, de se faire notre propre idée, d’être critique sur la pensée commune ? Sur la pensée ancienne ou sur celle « à la mode » ?

Parfois la blogosphère ou la twittosphère médicale  peut s’ apparenter au « bar des pilotes »,  … j’y reviendrai sans doute.

3/ Les facteurs humains.

Il y a un fort impact des facteurs humains sur le  pilotage.  Par exemple le  stress (stress négatif : deuil, divorce, dispute ou stress positif, naissance … ) a une répercussion  sur le pilotage, notamment sur la façon d’analyser une situation (comme le vent, sa force, sa direction, les différents instruments du tableau de bord ). Parfois peut s’installer une « viscosité mentale »  ou des erreurs en cascade (Une première mauvaise décision, est malheureusement validée par erreur, ou parce que ça rassure, et les différentes prises de décisions qui en découlent peuvent arriver à une situation de vol catastrophique, tel que le « virage engagé »). Le pilote doit en tenir compte avant son vol, différer celui-ci si nécessaire.

La parallélisme avec la médecine est évident. J’y reviendrai probablement dans un prochain billet.

4/ Le « REC »

REC et REX

Recueil d’Evénements Confidentiels (REC) (puis le REX, pour « Retour d’Expérience »).

Dernièrement je recevais une patiente. Œdème des Membres Inférieurs d’apparition rapide, tout un cortège de symptômes qui m’ont fait rapidement fait évoquer  le syndrome néphrotique. Celui a été confirmé biologiquement. Cela faisait quelques années que j’en n’avais pas vu, j’ai donc révisé, mais j’ai surtout initié le jour même un traitement anticoagulant  préventif, grâce à une de mes lectures récentes : celle du Retour confidentiel d’expérience (anonyme) d’un confrère néphrologue : lire ici

C’est d’une grande banalité de dire que l’on apprend de ses erreurs, mais on apprend aussi de celle des autres, et un exemple concret d’erreur médicale, (en dehors de toute procédure) est toujours mieux intégré dans nos circuits neurologiques, dans nos réflexes.

Les pilotes, les différentes instances de l’aviation civile (et militaire) nous démontrent dans leur domaine que le « débriefing » et surtout le retour d’expérience (négatif)   est à transmettre aux autres pilotes, afin d’augmenter l’expertise, la sécurité, les éventuels « process » et check-lists. Dans l’aviation civile, ces retours d’expériences ne sont pas toujours anonymes, contrairement à ceux qui existent dans certains clubs privés , et dans tous les cas la sécurité  en est la grande gagnante.

Pourquoi n’y aurait il pas ce type de recueil national anonyme en médecine  en France (comme aux USA je crois)? Peut être cela existe il et que j’ai raté l’info ? A-t-on peur d’effrayer les patients ? De faire perdre l’aura du médecin ? D’utiliser des retours d’expérience même non nominatifs pour une procédure légale ?

Nous ne sommes pas dans la pharmacovigilance (effets secondaires des médicaments), ni dans la réflexion 2.0 quotidienne (quoique), ni dans le groupe Ballint, ni dans le mea culpa/mortification, mais dans la mise en commun de retour d’expérience négatif pour progresser collectivement et individuellement.

Certes les médecins blogueurs font souvent la narration anonyme de leurs erreurs, parfois par « thérapie » , le plus souvent par honnêteté, humilité et/ou dans un but de pédagogie inter confraternelle.  Mais ces médecins sont une minorité, ne faut il pas instaurer nationalement, si ça n’existe pas, ce type de stockage ?

Humblement sur mon blog, j’ai centralisé quelques unes de mes nombreuses erreurs : voir ici.

« La vie est courte, l’art est long, l’occasion fugitive, l’expérience trompeuse, le jugement difficile » Hippocrate

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2 réflexions au sujet de « Y a-t-il un médecin dans l’avion ? »

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